
DES EX-EMPLOYES DE LA SONACOP REMPORTENT LEUR BRAS DE FER CONTRE LA BOA
Justice, La Marina BJ — Au terme d’un contentieux entamé depuis plusieurs mois, la Cour d’appel de commerce de Cotonou a récemment confirmé la condamnation de la Bank of Africa (BOA) Bénin S.A. dans le dossier l’opposant à vingt-neuf anciens salariés de la Société nationale de commercialisation des produits pétroliers (SONACOP), licenciés pour motif économique.
En cause : des prélèvements jugés illégaux opérés par la banque sur leurs indemnités de départ, en violation des garanties d’assurance souscrites.
Entre 2016 et 2017, la SONACOP, alors en difficulté structurelle, engage un plan de départs économiques qui laisse des centaines de travailleurs sur le carreau. Nombre d’entre eux avaient sollicité des crédits personnels auprès de la BOA Bénin. Ces prêts étaient adossés à une assurance-crédit collective contractée entre la BOA et SUNU Assurances Vie Bénin, incluant une garantie perte d’emploi. Les bulletins d’adhésion signés par chaque emprunteur prévoyaient explicitement qu’en cas de licenciement, l’assureur règlerait à la banque le capital restant dû.
Pourtant, au moment du versement des indemnités de départ, la banque a prélevé d’office une partie des montants déposés sur les comptes des ex-employés, invoquant le remboursement des crédits. Une pratique dénoncée par les intéressés, qui y ont vu une violation du contrat d’assurance et un excès de pouvoir bancaire. De cette contestation est née une bataille judiciaire dont l’arrêt rendu par la Cour d’appel de commerce de Cotonou il y a quelques semaines marque l’épilogue.
Avant la Cour, les ex-employés avaient déjà remporté une première victoire. Saisi par les anciens salariés, le Tribunal de commerce de Cotonou avait, dans un jugement rendu le 12 juillet 2024, donné raison aux plaignants. Le tribunal avait considéré que les retenues opérées par la BOA étaient sans fondement juridique, les prêts étant déjà couverts par l’assurance perte d’emploi. La banque avait alors été condamnée à restituer les montants prélevés (37,61 millions de FCFA), à verser 200 000 F CFA de dommages et intérêts à chacun, ainsi que 2 millions de francs CFA au titre des frais irrépétibles. Estimant la décision « injustifiée », la BOA Bénin avait interjeté appel.
La Cour d’appel confirme l’illégalité des prélèvements
Dans son arrêt rendu le 10 septembre 2025, la Cour d’appel de commerce de Cotonou confirme l’essentiel : les prélèvements effectués sur les indemnités de licenciement étaient illégaux, la banque ayant méconnu les clauses claires de la convention d’assurance souscrite. « La BOA ne pouvait et ne devait procéder ainsi qu’elle l’a fait, sans heurter le principe de l’effet obligatoire des conventions », a tranché la Cour. Les juges de la juridiction d’appel rappellent que chaque employé licencié avait souscrit individuellement une police d’assurance précisant la couverture en cas de perte d’emploi, et que SUNU Assurances Vie Bénin avait effectivement procédé au paiement des garanties prévues, plafonnées à 5 millions F CFA.
La Cour d’appel a toutefois infirmé partiellement la décision de première instance, estimant que les demandeurs n’avaient pas suffisamment démontré l’existence d’un préjudice direct et chiffré.
En conséquence, la BOA n’est pas condamnée à verser de dommages et intérêts ni de frais irrépétibles supplémentaires. Mais elle doit rembourser intégralement les montants prélevés sur les indemnités des trois ex-employés restés en dehors du premier jugement, soit un total de 3,3 millions de francs CFA.
Un précédent jurisprudentiel
Cet arrêt marque un précédent important dans la régulation des relations entre banques, assureurs et emprunteurs au Bénin. Selon notre spécialiste à la rédaction, « en rappelant la primauté de l’assurance-crédit sur les initiatives unilatérales de remboursement, la Cour d’appel renforce la protection juridique des salariés licenciés endettés et consacre le principe de loyauté contractuelle dans les pratiques bancaires ».
Toujours selon lui, cette décision « réaffirme la place de la justice commerciale comme garante de l’équilibre entre le droit des affaires et la protection du citoyen-consommateur ».
En définitive, les ex-employés de la SONACOP concernés sortent vainqueurs de leur bras de fer judiciaire contre la BOA Bénin. Si la Cour d’appel a tempéré la portée financière du jugement de première instance, elle a surtout rappelé un principe fondamental : « Aucune banque ne peut se substituer à l’assureur ni ignorer les clauses d’un contrat d’assurance pour se faire justice elle-même. » souligne notre spécialiste à la rédaction.